La violence conjugale

Vous êtes rapide à juger les compulsions des autres et la pire d’entre toutes, sur

Vous êtes rapide à juger les compulsions des autres et la pire d’entre toutes, sur laquelle vous avez une tolérance zéro, c’est la compulsion à frapper, dans un couple : la violence conjugale. Vous ne comprenez pas pourquoi ni comment un être humain en arrive à brutaliser ou à être brutalisé, pourquoi cette violence à coups de mots, à coups de poings. Peut-être avez-vous une petite compulsion à la nourriture, la cigarette, une plus grosse au sexe, à l’alcool, aux drogues ou au jeu. Et vous vous considérez « socialement correcte ». Pourtant, vous éprouvez beaucoup de difficultés à gérer cette force qui vous pousse vers ce qui vous nuit. D’autres tombent dans la violence, parce que mal programmés, comme vous tombez dans vos propres travers et pour les mêmes raisons. C’est plus fort que vous et c’est plus fort qu’eux.

Je ne suis pas en train de faire l’apologie de la violence conjugale, je vous sensibilise à l’enfer que vivent ceux qui en souffrent, autant du côté des victimes que des bourreaux. Ne vous est-il jamais arrivé de vous emporter démesurément envers votre enfant, votre conjoint, un ami ou un collègue de travail ? Vous l’avez blessé sur le coup, des mots qui dépassent vos pensées, mais le mal est fait : ça vous a échappé. La violence conjugale est un comportement qui échappe également au contrôle de celui ou celle qui frappe. Et je le sais d’expérience pour avoir failli tuer le mari que j’avais, poussée à bout par la situation et l’incapacité de communiquer dans laquelle nous nous trouvions. Nous étions en dépendance affective, en compulsion de défendre, chacun, nos intérêts qui divergeaient. Dieu merci, je ne l’ai pas fait. Pourtant, il me reste en mémoire le plaisir que me procurait le geste que je voulais poser : j’ai pensé que si je le tuais, toute ma souffrance allait s’envoler avec sa vie. Une folle envie de saisir le couteau m’a envahie pour lui porter autant de coups que de souffrance. L’espace de quelques instants, j’ai déconnecté de la réalité et si je me suis vue le faire, je ne l’ai pas fait. Je n’ai jamais su ce qui m’a retenue.

Que savez-vous des souffrances de ceux qui frappent, autant que de ceux qui se laissent frapper ? La violence est entrée dans leur biberon, dans leur enfance, dans leurs veines, comme un réflexe spontané qu’ils ne peuvent plus maîtriser. La bonne nouvelle, c’est que ça se déprogramme. Comme toutes les dépendances qui sont là pour faussement combler un vide que vous ne remplirez jamais. Autant d’appels au secours de l’enfant prisonnier du vide, qui est en vous et n’a pas grandi, oublié par la reconnaissance, l’affection et la protection. Il ouvre grand ses bras à l’alcool, la drogue, la nourriture, le jeu, le sexe ou les coups, parce qu’il est prêt à tout pour survivre. Ne seriez-vous pas prêt à frapper, pire à tuer, si on vous ôtait votre oxygène ? C’est l’oxygène que recherche le dépendant affectif, qu’il ne trouve jamais et pendant ce temps, il étouffe, il suffoque de tristesse, de colère et de rage. Celui qui inflige les coups n’a plus aucun moyen d’expression pour libérer son enfance de ses blessures. Et celui qui subit croit qu’il ne vaut rien, puisque ses propres parents ne l’ont pas aimé, l’ont frappés ou abandonné et que mieux vaut être mal accompagné, brutalisé, écrasé, voire tué, plutôt que seul. Ils croient tous les deux que c’est ça la vie affective. Perception d’eux-mêmes et du couple complètement erronée, faussée par ce qu’il ont vu de leurs parents.

La prochaine fois que vous déraperez, dans vos comportements ou compulsions, observez le mécanisme qui vous fait perdre le contrôle. Vous ferez un pas, dans votre compréhension, vers ceux dont l’enfance a été nourrie de violence.

Dites-moi, vous qui portez un jugement si sévère et tranché sur ceux qui sont brutalisés, si je vous emmenais en haut du Grand Canyon et si je vous disais : « Sois tu sautes dans le vide, sois tu endures les coups », que feriez-vous ? Celui qui est violenté préfère tout et n’importe quoi plutôt que tomber dans le vide… affectif.

Tout ce que vous venez de lire ne représente pas une excuse à la violence, c’est une explication. Et si vous êtes dans ce cas, sachez que vous pouvez en sortir, bourreau ou victime, que vous n’êtes pas responsables de vos mauvaises programmations, mais que vous avez le devoir, envers vous-même et envers l’autre, de vous déprogrammer, avant que l’un des deux ne soit tué.

Partagez cet article !