Ma fille Cassandre et moi, ainsi que quelques amis proches affectionnions particulièrement un hôtel tout inclus à Holguin (Cuba). Endroit tranquille, isolé, avec une belle plage et le personnel de l’hôtel accueillant et souriant, nous y sommes retournées cette année 2019, pour la troisième fois. Certaines d’y trouver la tranquillité habituelle et le charme des lieux, nous avons été confrontées à une nouvelle vague de touristes jusque-là rarement croisés dans les nombreux périples que nous avons faits : les Russes. Des Russes à Cuba !
Cuba était surtout un fief canadien, bien que nous y rencontrions avec plaisir des Européens qui se mélangeaient tout autant avec les Canadiens anglophones que les Canadiens francophones, dans une ambiance bon enfant, tous ravis d’être au soleil. Nous trouvions toujours le moyen de communiquer, même s’ils ne parlaient pas espagnol ou français, car ils possédaient toujours un peu d’anglais. Mais cette année fut vraiment particulière… Surprises d’entendre de la musique russe dans les haut-parleurs, de lire les menus des différents restaurants en anglais, espagnol et russe et de baigner dans une vague de touristes russes. Qu’à cela ne tienne, nous sympathiserons ! Oups : ils ne parlent pas ou très peu anglais, pas de français et encore moins d’espagnol. Pas facile de communiquer pour nous et encore moins pour le personnel de l’hôtel complètement dépassé par ces nouveaux clients dont ils ne comprennent absolument pas les demandes. Parlant espagnol, ma fille et moi, les femmes de ménage, les serveurs et les réceptionnistes se sont ouverts à nous : depuis moins d’un an, les Russes arrivent par bus entier dans les hôtels à Cuba et le fait qu’ils ne parlent aucune langue en dehors du russe leur rend vraiment la vie difficile.
Bien sûr, le responsable dans l’hôtel représentant la compagnie qui ouvre les portes de Cuba à la Russie et parlant russe était sur place. Mais il ne passait pas son temps à traduire pour tous les ressortissants qui tentaient par des gestes, et parfois perdant patience, de se faire comprendre. Plutôt sociables et avenantes, Cassandre et moi avons tenté une approche, mais la barrière de la langue était vraiment présente. A part nos sourires et mon russe très restreint, спасибо (spasibo – Merci) et до свидания (do svidaniya – au revoir), ce ne fut pas suffisant pour entrer en contact. Quand le peu de Québécois quitta les lieux, le peu d’Européens étant déjà partis, nous nous retrouvâmes en « grande » minorité. Ma fille m’entraîna à la soirée Karaoké et j’acceptais de chanter avec elle à la condition que ce soit une chanson entraînante qui mettrait de l’ambiance : elle choisit, à juste titre « Sous le sunlight des tropiques » de Gilbert Montagné. Persuadées que nous allons « chauffer » la salle, cette musique fait mouche à tout coup, nous voilà en train de nous époumoner joyeusement, heureuses de chanter à deux, persuadées que la salle suit derrière. Pas du tout ! De marbre (pour ne pas dire « de glace ») la salle… Que des Russes qui ne comprennent pas un traite mot de ce que nous chantons. Puis s’en est suivi des chansons russes à qui mieux mieux et la salle en délir. Nous sommes allées nous coucher après une dernière pina colada riant de notre flop magistral. Par la suite, le lobby était gorgé de personnes dont nous ne comprenions pas la langue, notre minorité se réduisant au fur et à mesure que les jours passaient puisque des clients de l’hôtel partaient chaque jour. Et les Russes continuaient d’arriver par bus entier. Si certains répondaient à nos sourires, d’autres restaient très froids ou excessifs envers la boisson. Nous avons assisté à des scènes que je ne décrirais pas relevant presque plus du zoo que d’un complexe hôtelier, mais qui cassaient franchement l’ambiance chaleureuse que les Cubains, totalement dépassés, s’évertuaient à maintenir, en vain. Certes, des Québécois ou autres nationalités se sont parfois égarés dans leurs comportements, mais il y avait moyen de le leur faire comprendre. Dans l’avion, j’ai discuté avec d’autres vacanciers revenant vers Montréal et tous avaient constaté que ce nouvel écosystème, les Russes à Cuba, est en train de s’installer. Dans les spectacles, les chansons de Céline Dion étaient souvent mises à l’honneur, mais, comme à la discothèque, il va falloir vous habituer à de la techno russe et à leurs vedettes : do svidaniya (au revoir), Céline ! Les Russes à Cuba, c’est une nouvelle réalité à prendre ou à laisser, à vous d’en décider. Et si vous parlez leur langue, ils seront certainement ravis de sympathiser !